L’alchimie et la science moderne

Les scientifiques contemporains considèrent l’alchimie comme une pratique révolue empreinte d’ésotérisme. Il est vrai qu’aucun laboratoire digne de ce nom n’oserait se lancer dans une expérience de transmutation des métaux en suivant les recettes des grimoires laissés par les alchimistes.

Pourtant les astrophysiciens savent que la transmutation est un phénomène banal dans notre univers.

Certaines étoiles, comme notre soleil, sont de véritables fours alchimiques transmutant par fusion l’ hydrogène en hélium. De même, les supernovas ont créées l’ensemble de tous les éléments chimiques qui existent dans notre univers.

Le carbone, l’oxygène et tous les éléments qui constituent les briques de nos cellules ont un jour été fabriqués dans une supernova. Notre corps est par conséquent constitué de poussières d’étoiles.

Ces transmutations effectuées dans le cosmos ne peuvent se réaliser qu’à des températures avoisinant les millions de degrés. Les chocs entre les noyaux des atomes doivent être d’une violence extrême pour que les protons et les neutrons se recombinent et donnent naissance à un nouvel élément chimique. Il est donc théoriquement impossible d’effectuer une transmutation dans un four alchimique.

Les alchimistes auraient-il trouvé un moyen d’effectuer une fusion à froid?

En chimie traditionnelle, il existe des catalyseurs qui autorisent des réactions à une température inférieure à celle qui est requise normalement. Notre corps utilise des enzymes pour dissocier chimiquement la nourriture afin que les éléments nutritifs soient extraits à la température interne de notre corps. Mais ces réactions n’affectent pas le noyau des atomes et sont purement chimiques. La transmutation est plutôt du domaine de la physique nucléaire.

Officiellement, le premier scientifique a avoir réussi une transmutation est Ernest Rutherford. Il constata que les rayons alpha du radium étaient capables de transmuter de l’azote en oxygène. En 1919, cette expérience fit grand bruit car elle prouvait que la transmutation était possible.

Aujourd’hui la fusion froide est prise au sérieux par un nombre croissant de scientifiques. A titre d’exemple, voyez le rapport suivant d’une conférence tenue au Japon en 2005:

http://www.jeanpaulbiberian.net/iccf12.htm

Grand-Place, la deuxième opération alchimique

La deuxième opération est illustrée sur les façades des maisons situées entre la rue de la colline et la rue des harengs.

Elle commence par la maison de droite: la maison du cerf volant.

L’enseigne au dessus de la porte représente bien un cerf:

Mais ce n’est pas l’enseigne originale. Celle-ci se trouve rue de la colline. C’est un bas-relief incrusté dans le mur:

Un cerf est poursuivi par un chien. Ses pattes ne reposent pas sur le sol. Il a l’air de voler. Ce détail est important car le cerf volant symbolise le mercure des alchimistes ( cervus  fugitivus ) ou le principe femelle de l’oeuvre.

A noter que le cerf volant était l’emblème de Charles VI. Ce roi de France était alchimiste et a écrit un traité: voir extrait par le lien.

Aux numéros 21 et 22, voici les maisons de Joseph et Anne:

Elles symbolisent l’union du principe mâle et du principe femelle, c’est à dire l’union du soufre et du mercure.

Van Helmont – un alchimiste bruxellois

« Les philosophes hermétiques ont toujours cité avec une grande confiance, à l’appui de la vérité du fait général des transmutations, le témoignage de Van Helmont. Il étaitdifficile, en effet, de trouver une autorité plus imposante et plus digne de foi que celle de l’illustre médecin-chimiste dont la juste renommée comme savant n’avait d’égale que sa réputation d’honnête homme. Les circonstances mêmes dans lesquelles la transmutation fut opérée avaient de quoi étonner les esprits, et l’on comprend que Van Helmont lui-même ait été conduit à proclamer la vérité des principes de l’alchimie, d’après l’opération singulière qu’il lui fut donné d’accomplir. Voici d’ailleurs le fait tel que Van Helmont le rapporte dans un de ses ouvrages.

En 1618, dans son laboratoire de Vilvorde, près de Bruxelles, Van Helmont reçut, d’une main inconnue, un quart de grain de pierre philosophale. Elle venait d’un adepte qui, parvenu à la découverte du secret, désirait convaincre de sa réalité le savant illustre dont les travaux honoraient son pays. Van Helmont exécuta lui-même l’expérience, seul dans son laboratoire. Avec le quart de grain de poudre qu’il avait reçu de l’inconnu, il transforma en or huit onces de mercure.

On ne peut mettre en doute aujourd’hui que, grâce à une supercherie adroite, grâce à quelque intelligence secrète avec les gens de la maison, l’adepte inconnu n’eût réussi à faire mêler, par avance, de l’or dans le mercure ou dans le creuset dont Van Helmont fit usage. Mais il faut convenir que cet événement, tel qu’il dut être raconté par l’auteur de l’expérience, était un argument presque sans réplique à invoquer en faveur de l’existence de la pierre philosophale. Van Helmont, le chimiste le plus habile de son temps, était difficile à tromper; il était lui-même incapable d’imposture, et il n’avait aucun intérêt à mentir, puisqu’il ne tira jamais le moindre parti de cette observation. Enfin, l’expérience ayant eu lieu hors de la présence de l’alchimiste, il était difficile de soupçonner une fraude. Van Helmont fut si bien trompé à ce sujet, qu’il devint, à dater de ce jour, partisan avoué de l’alchimie.

Il donna, en l’honneur de cette aventure, le nom de Mercurius à son fils nouveau-né. Ce Mercurius Van Helmont ne démentit pas, d’ailleurs, son baptême alchimique : il convertit Leibnitz à cette opinion ; pendant toute sa vie il chercha la pierre philosophale, et mourut sans l’avoir trouvée, il est vrai, mais en fervent apôtre. »

Ce texte est extrait d’un essai historique de Louis Figuier datant de 1860. Le livre entier est consultable via le lien: google livres.

Il n’est pas inutile de rappeler que Jean-Baptiste Van Helmont né à Bruxelles en 1577 révéla scientifiquement l’existence des gaz dont le gaz carbonique. Certains le considèrent comme le Léonard de Vinci  » belge « 

L’élixir de vie et le Duc d’Albe

L’alchimiste qui découvre la pierre philosophale peut en principe transmuter un vil métal en or. Mais à quoi bon la fortune si on n’a pas la santé ?

Heureusement la poudre philosophale permet de fabriquer un élixir de longue vie.

En voici la recette, retrouvée dans « le dictionnaire infernal » de 1825.

« ÉLIXIR DE VIE. — L’élixir de vie n’est autre chose, selon Trévisan , que la réduction de la pierre philosophale en eau mercurielle ; on l’appelle aussi or potable. Il guérit toutes sortes de maladies et prolonge la vie bien au delà des bornes ordinaires. L’élixir parfait ou rouge change le cuivre, le plomb, le fer et tous les métaux en or plus pur que celui des mines. L’élixir parfait au blanc, qu’on appelle encore huile de talc , change tous les métaux en argent trèsfin.

Voici la recette d’un autre élixir de vie. Pour faire cet élixir, prenez huit livres de suc mercuriel, deux livres de suc de bourrache, tiges et feuilles, douze livres de miel de Narbonne ou autre, le meilleur du pays ; mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon pourl’écumer, passez-le par la chausse à Hyppocras, et clarifiez-le. Mettez à part infuser, pendant vingtquatre heures, quatre onces de racines de gentiane coupée par tranche, dans trois chopines de vin blanc , sur des cendres chaudes, agitant de temps en temps ; vous passerez ce vin dans un linge sans l’exprimer ; mettez cette collature dans lesdits sucs avec le miel, faisant bouillir doucement le tout, et cuire en consistance de sirop ; vous le mettrez rafraîchir dans une terrine vernissée , ensuite le déposerez dans des bouteilles que vous conserverez en un lieu tempéré , pour vous en servir, en en prenant tous les matins une cuillerée. Ce sirpp prolonge la vie, rétablit la santé contre toutes sortes de maladies, même la goutte, dissipe la chaleur des entrailles ; et quand il ne resterait dans le corps qu’un petit morceau de poumon , et que le reste serait gâté, il maintiendrait le bon et rétablirait le mauvais ; il guérit les douleurs d’estomac , la sciatique, les vertiges . la migraine , et généralement les douleurs internes. Ce secret a été donné par un pauvre paysan de Calabre à celui qui fut nommé par Charles V, pour général de cette belle armée navale qu’il envoya en Barbarie. Le bonhomme était âgé de cent trente-deux ans, à ce qu’il assura à ce général, lequel était allé loger chez lui ; et le voyant d’un si grand âge, il s’informa de sa manière de vivre, et de plusieurs de ses voisins, qui étaient presque tous âgés comme lui , et même aussi sains et gaillards que s’ils n’avaient eu que trente ans, quoique d’ailleurs ils avancèrent qu’ils avaient mené une vie assez libertine. »

Mais qui était le général espagnol dont il est fait mention dans la recette?

Selon Paul de Saint Hilaire, il s’agissait du Duc d’Albe, tristement célèbre à Bruxelles puisqu’il réprima la révolte des gueux et ordonna l’exécution  des comtes d’Egmont et de Hornes en 1568.

Cette thèse est vraisemblable car le Duc d’ Albe était général sous Charles Quint et était à la tête d’une armée de 8000 hommes lors de la bataille de Tunis en 1535. ( référence site ). En 1555, il devint commandant en chef des armées espagnoles en Italie. Est-ce à cette époque, qu’il reçut la recette du sirop  en Calabre ?

Savait-il que la voie sèche était illustrée sur la Grand-Place et qu’en interrogeant l’un ou l’autre alchimiste bruxellois, il pourrait obtenir l’ingrédient indispensable pour son élixir: le suc mercuriel ?

C’est évidemment de l’histoire fiction. Quoique…

J’aimerais pourtant signaler  que le comte de Hornes était alchimiste.

Philippe de Montmorency, comte de Hornes avait un ancêtre célèbre, compagnon de Jeanne d’Arc: Gilles de Montmorency dit Gilles de Ray. Cet ancêtre s’était essayé à l’alchimie pour résoudre ses problèmes d’argent mais avait raté le Grand-Oeuvre. Par dépit il s’était jeté dans la magie. Cette pratique le mena à être exécuté en 1440 pour sodomie, sorcellerie et assassinats.

 

Notre Dame du Sablon – Le calice aux serpents

Le porche situé rue de la Régence présente à la gauche du Christ une statue de St Jean assez mystérieuse

J’ai pu retrouver l’histoire qui justifie une telle symbolique et qui me confirme qu’il s’agit bien de St Jean.

D’après la bible ( nouveau testament Jean v100 ), Jean aurait réussi à convertir les adorateurs de Diane en faisant s’écrouler leur temple par la prière. Le grand prêtre voulut que Jean subisse une dernière épreuve pour être tout à fait convaincu que sa religion était inférieure à la celle de Jean.

Il obligea l’apotre à boire un calice rempli de poison mortel. S’il s’en sortait indemne, Diane n’aurait plus qu’à s’inscrire au bureau de chômage.

Les serpents symbolisent donc le poison mortel.

Cette histoire me fait un peu penser à celle de Socrate…

Au fait, vous avez remarqué la main droite de Jean qui semble indiquer une direction. Suivez la et surprise… une inscription derrière le saint.

On devine un triangle et la représentation symbolique du féminin !!!!

Et s’il s’agissait de symboles alchimiques… Voici par exemple ce dessin tiré de « Rosarium philosophorum ».

Comme par hasard, ce dessin illustre un hermaphrodite tenant de la main droite un calice d’où émergent trois serpents. Quand on sait que St Jean est souvent représenté en art de manière ambiguë ( voir les peintures de St Jean par Leonardo da Vinci ) et que le chiffre 3 représente en alchimie les trois étapes vers la pierre philosophale….

Alors les trois symboles derrière la statue prennent une toute autre signification à la lumière de la symbolique alchimique

Le premier symbole indique un acide.

Le deuxième symbolise l’eau ( triangle sur la pointe ).

Le troisième symbolise le cuivre.

En extrapolant la signification symbolique de la scène, St Jean l’androgyne est celui qui a réussi à équilibrer en lui les composantes masculines et féminines ou les contradictions internes de toute nature. C’est la voie du milieu qui est illustrée. Est-ce pour cette raison que St Jean est le disciple préféré du Christ?

Il tient peut-être entre les mains le calice contenant l’élixir de longue vie des alchimistes. On sait que la panacée est fabriquée à partir de la poudre philosophale et est symbolisée par les 3 serpents. Cette poudre est rouge d’où l’appelation de la dernière étape : l’oeuvre au rouge.

Etonnant parallélisme quand on se souvient que le St Graal contient le sang du Christ…

La légende de Notre Dame du Sablon – troisième partie

L’enquête continue sur cette légende.

Comme relaté précédemment, la procession de la Vierge est à la base du célèbre Ommegang. Un détail assez troublant m’est apparu en consultant les différents sites qui présentent des photos sur le sujet. Cette photo en particulier:

C’est une Vierge noire qui est portée en procession dans les rues de Bruxelles. Je croyais que c’était celle-ci  photographiée dernièrement dans l’église du Sablon:

D’accord, elle est aussi assez basanée, mais pas noire.

Et qui dit Vierge noire dit allusion aux anciens cultes polythéistes:

« C’est à partir des années 1950, avec l’avancée des études en matière de religions comparées, que des chercheurs ont envisagé que leur teinte sombre ait été voulue dès l’origine. Des rapprochements ont été faits avec les déesses des anciens cultes polythéistes d’Europe occidentale que la romanisation, suivie de la christianisation, avaient fait disparaître, en particulier les déesses-mères, confortés par la présence de sanctuaires dédiés à la mère de Dieu sur les lieux d’anciens cultes païens (CybèleDiane etc..). Benko et Chiavola Birnbaum ont remarqué la ressemblance entre la Vierge à l’enfant et les représentations d’Isis portant Horusdatant de l’Égypte ptolémaïque. Des psychologues comme Gustafson et Begg, s’appuyant sur C. Jung, pensent y avoir reconnu un archétype maternel, ou bien un aspect chtonien et psychopompe. Laissant de côté la question des origines premières de la couleur, Monique Scheer a mis en évidence les différents symbolismes liés à la Vierge noire selon les lieux et les époques. »

Voir article complet sur wikipedia:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Vierge_noire

Voici une statuette d’Isis que j’ai photographiée au musée d’art et d’histoire du cinquantenaire:

Dans la même salle du musée, il y a un exemplaire du livre des morts. C’est un livre sacré qui décrit les différentes épreuves que doit subir le défunt dans l’au-delà avant la pesée du coeur. Une image m’a troublé:

Je ne suis pas un spécialiste de la mythologie égyptienne, mais je suis presque sûr que le personnage du milieu est Horus fils d’Isis et d’Osiris ( tête de faucon, croix égyptiennedans la main gauche, sceptre caractéristique dans la main droite ). Le personnage de gauche représente sans doute le défunt. Quant-aux trois jumeaux qui tiennent la barre ?

Hé oui encore une histoire de barque…

On peut même se demander si Béatrice ( prénom de la dame qui ramena la statue de la Vierge à l’église du Sablon ) n’a pas un rapport avec sainte Béatrice dont l’histoire fait immanquablement penser à l’épopée d’Isis pour récupérer les morceaux d’Osiris. En effet Béatrice voulut récupérer les restes de ses frères Simplice et Faustin qui avaient été décapités et jetés dans le Tibre à l’époque de l’empereur romain Dioclétien. Cet empereur pouchassait tous les chrétiens et condamna Béatrice pour avoir donné une sépulture décente à ses frères.

Isis fit de même avec son frère Osiris qui avait été découpé en morceaux par son autre frère Seth.

La Grand Place de Bruxelles alchimique- première partie

Paul de Saint-Hilaire dans son ouvrage  » Bruxelles mille ans de mystères » affirme que  la Grand Place révèle par divers symboles les opérations permettant de découvrir la pierre philosophale.

Pour rappel la voie sèche ou courte qui est illustrée sur la Grand Place comprend sept étapes, sept étant semble-t-il le chiffre récurrent en alchimie.

Newton qui était obsédé par le grand oeuvre ne voyait-il pas sept couleurs dans la composition de la lumière solaire ?. ( Voir le documentaire de la BBC qui révèle que le savant était aussi alchimiste : Newton the dark heretic.)

Il semble d’ailleurs que Bruxelles ait des affinités avec le chiffre sept.

En 1306 une charte reconnaît sept familles souches bruxelloises. Il fallait en faire partie pour briguer un des sept mandats d’échevin de la ville. En 1646 Erycius Puteanus représente ces lignages par cette gravure ( extrait de Bruxella Septenaria )

Pour info site des descendants http://www.lignagesdebruxelles.be/

Saint-Hilaire voit dans la gravure de Puteanus la rose aux sept pétales des alchimistes. Chaque pétale symbolise un métal, une planète et un archange.

La première enceinte de Bruxelles comptait sept portes. Chaque famille souche possédait une des clefs.

1- La porte noire ou de Malines

2- La porte Sainte Catherine

3- La porte Saint Jacques ou d’Overmolen

4- Steenpoort

5- La porte de Coudenbergh

6- La porte Sainte Gudule ou Treurenberg

7- La porte aux herbes potagères ou Warmoesbroek

Chaque porte conduit vers la Grand-Place où trône l’archange St Michel équivalent au mercure chez les alchimistes.

En tout cas, le chiffre sept est bien présent dans l’environnement de la Grand Place:

Sept rues aboutissent sur le lieu ( rue des chapeliers, rue de l’étoile, rue de la tête d’or, rue au beurre, rue chair et pain, rue des harengs et rue de la colline ).

Trois blocs d’édifices sont divisés en sept maisons:

Le bloc compris entre la rue de la colline et la rue des harengs:

Le bloc compris entre la rue au beurre et la rue de la tête d’or:

Et le bloc entre la rue au beurre et la rue chair et pain:

L’ édifice des ducs de Brabant ( entre la rue de la colline et la rue des chapeliers ) comprends 9 maisons. Toutefois Saint-Hilaire affirme que les deux dernières maisons à droite font partie de l’étape correspondant au bloc des cinq maisons entre la rue des chapeliers et la rue de l’étoile.

 

 

 

La Grand Place de Bruxelles alchimique – 2ième partie

Comme expliqué dans mon premier article le chiffre sept est récurrent dans l’histoire de Bruxelles. Mais cela ne suffit pas à prouver que la Grand-Place soit un grimoire alchimique à ciel ouvert. Il faudrait que la construction des édifices ait été gérée par un groupe d’initiés veillant à la mise en place de la symbolique alchimique sur les diverses façades. Jean van Win, dans son livre  » Bruxelles maçonnique » prétend que c’était impossible, vu le nombre d’intervenants sur les différents chantiers.

C’est vrai que la Grand-Place d’aujourd’hui est le résultat de nombreux travaux qui s’échelonnent sur différentes époques. La plaque commémorative qui se trouve sous les arcades de la maison de l’étoile en témoigne:

Il existe cependant dans l’histoire de la Grand-Place un moment privilégié où il aurait été possible de concevoir un plan d’ensemble puisqu’en 1695 le maréchal de Villeroy ( le plus stupide des officiers de l’armée de Louis XIV ) bombarda le centre de la ville. Comme la plupart des maisons de la Grand-Place étaient construites en bois, un énorme incendie acheva d’anéantir le lieu.

Pour des infos complètes sur l’histoire du bombardement de Bruxelles, voir l’article de wikipedia:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardement_de_Bruxelles_de…

Malgré l’ampleur de la catastrophe, la Grand-Place fut reconstruite en moins de cinq ans, encore plus belle qu’avant. C’était un véritable exploit nécessairement géré par un maître d’oeuvre hors pair. Il semblerait d’après Saint-Hilaire que l’architecte principal fut Guillaume Debruyn:

« On peut considérer Guillaume Debruyn (1649-1719) comme l’auteur de la Grand-Place, et plus spécialement de son décor symbolique. »

La Grand-Place de Bruxelles alchimique – 3ième partie – Eglise St Nicolas

Je vous invite à suivre le parcours alchimique de la Grand-Place tel que suggéré par Paul de Saint-Hilaire.

L’adepte était censé pénétrer dans Bruxelles par la porte Ste Catherine ( ancien port de la ville ). Ce qui le ménerait tout droit vers l’église Saint Nicolas avant d’accèder à la Grand-Place par la rue au beurre.

L’initié est invité à entrer dans l’église et découvre à l’entrée un Christ au pied doré:

Il est d’usage de caresser le pied de la main droite. Geste qu’il faudra répéter à la fin du parcours alchimique mais cette fois sur le bras du gisant qui se trouve sous les arcades de la maison de l’étoile:

Mais revenons à l’église Saint Nicolas et allons voir l’autel dédié au saint patron des enfants.

Sous les pieds de Saint Nicolas remarquez  trois petits enfants:

Sans doute allusion à la légende des enfants au saloir:

« Ils étaient trois petits enfants qui, s’en allaient glaner aux champs, » comme dit la chanson, « Perdus, ils demandèrent l’hospitalité chez un boucher qui ne trouva rien de mieux que de les tuer, les découper et les mettre au saloir.

Saint-Nicolas vint à passer sept ans plus tard et demanda à son tour l’hospitalité. Il insista pour manger le petit salé préparé sept ans plus tôt. Le boucher s’enfuit et Saint-Nicolas ressuscita les trois enfants. »

D’autres histoires mettent en évidence le saint et le chiffre trois:

La légende des trois officiers

La légende des trois pucelles dont la fontaine se trouvait entre l’église et la grand-place, mais que la pudibonderie autrichienne obligea à cacher aux yeux du peuple. L’eau jaillissait de leurs seins. On racontait à l’époque qu’en jetant une pièce d’or dans la fontaine, il était possible de retrouver sa virginité.

Mais il suffit de lever les yeux au dessus de l’autel pour se convaincre que la trinité est vraiment présente:

Bon et alors ? Tout cela a l’air bien normal dans une église catholique. La trinité c’est le père, le fils et le saint esprit. L’oeil qui voit tout dans le triangle c’est Dieu tout simplement. Quel est le rapport avec l’alchimie ?

Il est bon de rappeler que le symbole du triangle rayonnant est partagé par d’autres institutions comme par exemple la franc-maçonnerie et que son origine est probablement liée à la mythologie égyptienne. Le triangle symbolise Isis, Osiris et Horus. L’oeil est celui d’Horus.

Pour info, le musée d’art et d’histoire du cinquantenaire à Bruxelles possède une petite  pyramide sculptée datant de l’ Egypte ancienne. Au sommet un soleil rayonnant ou peut-être un oeil stylisé.

Le triangle rayonnant se retrouve aussi dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. On ne peut pas dire que les révolutionnaires français étaient de fervents catholiques. Ils avaient instauré  le culte de l’être suprême afin de déchristianiser la France.

Pour l’alchimie la trinité est synonyme de Grand-oeuvre. Le travail alchimique se divise en trois phases: l’oeuvre au noir, l’oeuvre au blanc et l’oeuvre au rouge. Pour l’alchimiste tout corps est constitué de trois substances: le soufre, le mercure et le sel:

« Parmi toutes les substances, il en est trois qui donnent à chaque chose leur corps, c’est-à-dire que tout corps consiste en trois choses. Les noms de celles-ci sont : Soufre, Mercure, Sel. Si ces trois choses sont réunies, alors elles forment un corps (…). La vision des choses intérieures, qui est le secret, appartient aux médecins. (…) Prenez l’exemple du bois. Celui-ci est un corps par lui-même. Brûlez-le. Ce qui brûlera, c’est le Soufre ; ce qui s’exhale en fumée, c’est le Mercure ; ce qui reste en cendres, c’est le Sel. (…) Ce qui brûle, c’est le Soufre ; celui-là [le Mercure] se sublime, parce qu’il est volatil ; la troisième Substance [le Sel] sert à constituer tout corps. »

extrait de Paracelse, Liber paramirum (1531), Livre I : « Des causes et origines des maladies provenant des trois premières Substances », chap. 2 : Œuvres médico-chimiques ou Paradoxes. Liber paramirum, trad. de l’all. J. Grillot de Givry (1913), Milan, Archè, coll. « Sebastiani », 1975, t. 1 p. 158-161.

Si le sel constitue tout corps, on comprend mieux la légende des trois enfants au saloir… Et si St Nicolas a attendu sept ans pour redonner vie aux trois enfants, c’est que le chiffre sept est aussi un chiffre alchimique…

Notez aussi qu’il y a sept anges autour du triangle rayonnant.

Saint-Hilaire fait remarquer qu’ une tête de mort est posée sur le genou de l’ange inférieur gauche. Il symboliserait une des étapes de l’ oeuvre alchimique: la putréfaction de la matière première:

 

La Grand-Place de Bruxelles alchimique – 4ième partie – Eglise St Nicolas

L’église St Nicolas va nous révéler d’autres secrets:

Sur la droite de l’autel St Nicolas, se dresse une statue de Sainte Barbara:

En réalité, il s’agit de Sainte Barbe patronne de tous les métiers liés au feu et donc la patronne des alchimistes. Elle était censée les protéger des explosions de l’athanor ( four des alchimistes ).

Aux pieds de la sainte, on remarque une tour. Selon la légende, cette tour symbolise son adhésion à la sainte trinité ( remarquez les trois fenêtres ).

Les alchimistes reconnaîtront l’athanor plutôt que la tour.

Image extraite de De alchimia libri tres

A côté de la statue de Sainte Barbe, un lambris nous indique symboliquement le but de l’alchimie:

Au centre l’apôtre Simon qui allait être nommé Pierre:

 

« Et moi, je te dis que tu es Pierre et que, sur cette pierre, je bâtirai mon Église et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elles. Je te donnerai les clés du royaume des cieux : ce que tu lieras sur terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur terre sera délié dans les cieux. » [Matthieu, 16, 18-19]

 

Cette phrase est étrangement proche de la première phrase de la table d’émeraude d’ Hermes Trismégiste, le père de l’alchimie:

 » Il est vrai, sans mensonge, certain, & très véritable. Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut : et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose »

L’alchimie ne vise pas seulement à obtenir la Pierre philosophale qui transforme le plomb en or. Cette pierre est l’étape indispensable pour créer l’elixir de longue vie qui rend immortel.

Les panneaux latéraux du lambris rappellent cette quête d’immortalité. Remarquez le sablier ailé en haut. Il symbolise la chute éternelle du temps, notre destinée vers une mort inéluctable. Mais il peut se renverser et le sable qui était descendu en bas peut se retrouver au dessus ( de nouveau allusion à la première phrase de la table d’émeraude ).

En bas du panneau un bien curieux crâne coiffé d’une couronne de laurier. Arbustre consacré à Apollon, le laurier symbolise l’immortalité acquise par la victoire.